Retour sur expérience : Se reconnecter à son équipe et à son business
Le brouillard est un phénomène météo assez handicapant en plaine et très anodin en ville. En montagne, lorsque vous n'avez pas déjà emprunté cet itinéraire, c'est particulièrement neutralisant. Bien sûr, il y a les brumes matinales liées à la concentration hygrométrique provoquée par la remontée des températures autour d'une zone humide. Elles bouchent la vue et réduisent la perspective, mais elles se dissipent avec la croissance du jour. Le vrai brouillard problématique est celui du cumulus qui se forme, accroché au sommet que vous visez. Celui-là vous installe dans l'incertitude et le grand inconfort. Il est souvent annonciateur d'une future perturbation.
Pour un dirigeant, cela correspond à une perte de sens, parfois un manque de discernement, qui rend impossible le fait de se projeter à moyen et a long terme.
Comment aider Xavier à se reconnecter à ses équipes et a son business
Xavier est Directeur Financier "corporate" au sein d'un grand groupe international. A ce titre, il est membre du Comex. Sa vie est complètement "business oriented". Comme de nombreux dirigeants maintenant, il ne rentre dans son havre de paix familial, que le week end. La semaine, il donne le meilleur de lui-même dans chaque ascension que le Groupe l'invite à enchaîner. Il sait qu'il peut compter sur son équipe rapprochée. Il s'agit d'une dizaine de collaborateurs qui lui sont dévoués, parce que Xavier a un atout de taille : C'est un manager exigeant mais très humain, très attentionné à chacune et chacun.
Depuis quelques mois, le rythme s'est accéléré. Le Comex s'est redessiné. Xavier perçoit qu'au niveau de son équipe, peu à peu, ce qui était de la brume, devient brouillard. Il est de moins en moins disponible pour elle, et quelques signes, notamment des démissions, lui font comprendre que l'équipe ne perçoit plus vraiment le sens de la course.
Alors, généreux envers son équipe, il me demande d'organiser, avec lui, un séminaire pour en renforcer la cohésion. Ne connaissant absolument pas les autres membres, je lui propose de venir les rencontrer chacune et chacun, au siège.
Première étape : Recueillir les impressions
Afin d’apporter un peu de lumière à cette situation, je vais échanger personnellement avec chacun des membres de l’équipe. Ils et elles mettent des mots sur ce qu'ils observent :
Eux, ils grimpent du mieux qu'ils peuvent, ou plutôt qu'ils imaginent, sans vraiment connaitre l'objectif. Ils sont dans le brouillard.
De temps à autres, Xavier, qui était parti dans les hauteurs des sommets, où selon eux, il y a une meilleure visibilité, revient vers eux avec des informations et des demandes précises à satisfaire au plus vite. Puis il repart et disparaît à nouveau là-haut.
Alors l'un dira : "Tu as compris ce qu'ils veulent, pour atteindre le sommet, là-haut ?"
Un autre répondra : "Oui, c'est toujours pareil : c'est urgent"
A tâtons, ils grimpent.
Quand je restitue cela à Xavier, je vois sur sa figure que, là-haut aussi, le brouillard a gagné du terrain et que le sommet n'est en fait pas très visible et que chacun s'en fait une représentation personnelle au Comex. Ce n'est pas simple pour lui de conduire l'itinéraire de l'équipe alors qu'il est lui-même dans l'incertitude. Il ne veut pas les inquiéter, mais reste vague, trop vague !
Deuxième étape : confronter les points de vue
Alors nous décidons effectivement de prendre du temps avec son équipe. C'est un cadeau qu'ils se font : Deux jours pour se dire, dans ce brouillard total, ce que chacun voit ou ne voit pas, ou connait approximativement, ou imagine un peu, de la réalité, de là où il en est, là où en est l'équipe. C'est précieux pour Xavier d'en prendre conscience. Mais c'est également précieux pour chacune et chacun des membres de l'équipe d'élargir son point de vue en profitant de celui de tous. A dix paires d'yeux qui ne voient pas grand choses, on peut y ajouter dix paires d'oreilles qui écoutent et entendent, dix perceptions des conditions du sol…
Ils décident alors, et nous démarrons ce travail sur place, de partager les objectifs des petites équipes qui constituent l'équipe, mais également leurs objectifs individuels :
Comment tous ces objectifs sont-ils cohérents, divers et complémentaires ? Pour cela, nous ferons même un exercice de marche dans le noir complet, d'abord sans but, puis avec un objectif, puis avec la possibilité de s'entraider…
Nous finissons le séminaire par la préparation d'une programmation soignée de la vie d'équipe : quels rituels et points d'arrêts, pour satisfaire quels besoins de faire équipe dans ces conditions du terrain que personne n'a réellement choisies.
Nous ferons un point d'étape trois mois après, pour voir ce qu'il serait bon d'engager peut-être un peu plus intensément.
Et curieusement, le brouillard semble moins intense !