Retour sur expérience : Emmener son équipe sur le chemin de la coopération
En montagne, la corde est souvent le seul équipement de sécurité collective. Elle ne fait pas tout, mais son principe d'action élémentaire – lier son destin à celui de ses compagnons – permet très souvent de résister à la chute. Parfois la corde peut être vécue par certains, comme un ralentisseur à l'ascension : La cordée avance toujours au rythme de celui ou celle dont la progression est la plus lente. Dans certains cas, elle s'active comme un lien vital entre les compagnons d'ascension.
Situations-type du dirigeant :
Constituer une équipe
Dynamisation et cohésion de l'équipe
Développement de la coopération
Dans la vie de l'entreprise, les analogies de la cordée avec la vie de l'équipe, sa performance, sa dynamisation ou sa cohésion, son niveau de coopération, sont plutôt instructives.
Comment emmener Luc et son équipe à se débarrasser du poids de cette corde ?
Luc, au détour d'une conversation où je lui demandais de ses nouvelles, me fait part de difficultés de communication à l'intérieur de son équipe. Luc est un entrepreneur avisé et visionnaire. Avec un esprit généreux et une fine connaissance de son marché, il a développé l'entreprise qu'il a créée il y a dix ans dans le domaine du service. L'entreprise a prospéré et emploie maintenant trois cent personnes. Il a choisi chacun de ses proches collaborateurs avec soin pour ce qu'ils et elles sont, autant que pour ce qu'ils et elles savent faire ou faire-faire. Mais Luc ne comprends pas pourquoi leurs échanges entre eux sont si dissonants. Il me demande de l'aider.
Je lui propose alors de faire un bout de chemin tous encordés sur deux jours. Nous convenons qu'avant de grimper ensemble, il me faudra faire le travail de sherpa :
Aller rencontrer chacune et chacun pour connaître son tempérament, ses motivations et ses attentes, mais surtout pour identifier comment lui pèse la corde : Est-elle tendue ou fluide ?
Je constate que cette démarche est reconnue comme une première prise en compte de là où en est l'équipe et génère de l'envie. Au besoin, elle permet également d'exprimer les craintes.
Préparer son approche pour appréhender l'objectif
Arrive le premier jour de la course : c'est la marche d'approche jusqu'au refuge. L'exposition au risque est faible. Ceci ne veut pas dire que l'effort demandé à tous soit nul : nous partageons le diagnostic sur la vie de l'équipe. Ils sont amenés à dessiner, puis à regarder la réalité des choses et à partager ce que cela procure en chacun et en chacune : L'équipe prend conscience qu'elle est constituée de plusieurs cordées qui ne se comprennent pas et leurs itinéraires divergent. Le soir, arrivés au refuge, Luc propose de poursuivre la course jusqu'au sommet et prévient que le niveau de risque, comme le niveau d'effort sera plus élevé mais promet que la récompense sera d'autant plus grande.
Un des membres de l'équipe, le directeur financier, ne supporte pas d'être encordé. Il renonce à l'ascension et prendra librement le chemin de la descente.
Au matin, il est temps de prendre les moyens d'atteindre l'objectif fixé !
La forme des cordées évoluera au cours de la deuxième journée. Je leur propose de commencer par grimper deux à deux, afin de fluidifier leur tenue de la corde avec ceux avec qui ils font équipe régulièrement. Bien sûr, il nous faut attendre que toutes les cordées soient là à chaque pause. Puis, arrivant sur le glacier, nous constituons la grande cordée dont Luc prend la tête.
“Je suis touché de la manière dont, lui qui marche bien souvent tout seul devant, prend le pas lent et assuré de celui qui veut emmener tout le monde en haut.”
Nous traversons les nombreux obstacles que le glacier met sous nos pas et que nous avions partagés dans le diagnostic, avec une attention portée sur chacune et chacun, mais aussi sur ce que ressent toute la cordée. Ce serait mentir que de dire que personne n'a jamais tiré sur la corde. Mais les signaux ont été reçus par Luc et il a su donner à chacune et chacun de reprendre son souffle.
Nous sommes tous arrivés au sommet et descendus aguerris et heureux de ce qui avait été accompli.
Objectif atteint, mais on ne va pas en rester là…
Luc a promis qu'il donnerait les moyens à ceux qui le souhaitent de reproduire l'exercice avec leurs propres équipes.
Les équipes dont leurs responsables prennent soin font grimper leur performance de plus de 30%.