Retour sur expérience, comment appréhender et réussir sa prise de poste
Le col est le point d'intersection entre la ligne de collecte des eaux de la vallée (talweg) et la ligne de crête vers deux sommets. C'est pour le randonneur un point de passage obligé pour passer d'une vallée à une autre, pour changer complètement d'horizon. C'est le cap à passer pour accéder à l'objectif personnel tant désiré. Nous pouvons faire un parallèle avec différente situations-type du dirigeant comme une Transition de carrière ou encore une Prise de poste.
Comment Patrick a-t-il appréhendé et franchit son premier col ?
Patrick vient d'être désigné par ses associés, pour prendre la direction de leur entreprise sur un mandat de plusieurs années. C'est pour lui un signe de reconnaissance, mais surtout une vraie responsabilité. Il sait bien qu'il a été choisi pour ce qu'il peut apporter à l'entreprise. Mais il connaît trop bien ses propres limites : il lui semble buter dessus comme sur des rochers sur les sentiers qui lui consomment une énergie considérable.
Au profit d'une rencontre, Patrick comprend que je peux l'accompagner sur ce chemin et me propose de faire route avec lui. Pressentant chez lui son envie de s'élever vers les sommets, j'accepte volontiers.
Nous commençons alors à faire route
D'abord dans le fond de la vallée, la marche à plat : Il me présente le contexte et le bon fonctionnement de l'entreprise. La marche est aisée. Nous voyons et partageons ce sur quoi il peut prendre appui. Puis, peu à peu, la pente augmente jusqu'à ce que le souffle soit plus court et apparaisse deux rochers imposants qui vont nous boucher toute la vue :
Le premier : "Je ne suis pas aussi performant que ce qu'ils croient" me dit-il. S'en suit une énumération de ses propres limites avec des situations très concrètes où il peine comme si il cumulait l'encrassement de ses lunettes, le soleil dans la figure et un caillou dans chaque chaussure : "Tu comprends, quand ils vont se rendre compte de tout cela, ils vont être très déçus".
Le second : "Je manque d'impact dans mes relations avec mes collaborateurs. J'ai une vision très claire de là où il faut aller, mais quand je l'exprime, il me semble qu'ils n'entendent rien à ce que j'essaye de leur montrer". Et là encore, il me rapporte plusieurs échanges illustrant cette frustration de manière très explicite.
Que se passe-t-il ?
La conjugaison simple du syndrome de l'imposteur avec un auto-sabotage du leadership qui empêche Patrick de prendre soin de ses équipes mais surtout de les aider à s'approprier la direction où avancer. C'est effectivement une situation complexe car elle lie des enjeux personnels de Patrick et des besoins du collectif vis-à-vis de son leader. Nous décidons alors tous les deux de faire une pause, pour prendre le temps de faire baisser la pression de l'auto-exigence, augmenter la collection des situations objectives de réussite. En parallèle, nous observant comment Patrick pourrait plus écouter et rejoindre les besoins de ses équipes mais aussi comprendre les demandes de ses plus proches collaborateurs. Avec un engagement qui m'édifie, il s'astreint à mettre en œuvre ce qu'il décide. Certaines fois, il trébuche repris par ses démons. Petit à petit, le chemin s'éclaircie et l'air de rien, nous arrivons au col et c'est la date de la prise de poste.
Un nouveau défi se profil à l’horizon
Là, Patrick regarde en l'air et voit un autre col un peu plus haut avant les sommets. Il me demande de l'accompagner sur cette nouvelle grimpette : "Tu comprends, nous sommes sortis de la vallée de ce qui m'alourdissait, mais je voudrais apprendre avec toi la vraie ascension collective, celle où on emmène les équipes plus haut." Après lui avoir fait prendre conscience qu'à ce second col, il serait utile que je redescende et que lui continue de monter avec sa cordée, j'ai accepté cette deuxième partie de l'ascension.
C’était il y a deux ans. Je sais que depuis, ce sont les sommets qu’il enchaîne.